Ne jamais aller à l’école le ventre vide, surtout.

Dans ma REPpublique à moi, on soigne les bobos. Mais parfois, certains nous échappent.

S’il était adulte, on dirait que L. a de l’embonpoint. Mais c’est un enfant, alors on dit qu’il est potelé, rondouillard. Souriant, gentil. Un peu fayot, des fois, quand même. « Bonjour maîtresse », c’est entre trois et quatre fois par jour et pour « Je suis désolé », on approche largement de la douzaine.

Sympathique, malgré tout. Et serviable aussi. Il ne vaut mieux pas laisser tomber un papier par terre, parce que L., il oublie tout ce qui se passe autour de lui, jette sa chaise pour être sûr d’être le premier, marche sur tous les cartables qui obstruent son passage, ramasse le papier et, en haletant, souffle « Tiens, maîtresse ».

Mais ce matin, L. n’a pas bonne mine. Il ne sourit pas. Il ronchonne.

8h40 : « J’ai mal au ventre, maîtresse. Maman elle a dit que si ça ne passait pas, tu pouvais l’appeler pour qu’elle vienne me chercher ».

10h10 : « Maîtresse, j’ai mal au ventre, là, regarde !
– Non, je ne regarde pas L., je ne suis pas médecin, mais va aux toilettes peut-être que ça ira mieux après. »

11h40 : « Comment ca va L., j’appelle Maman ou tu peux aller à la cantine ?
– Ça va aller, j’crois maîtresse. »

Quand même un peu étonnée que L. se porte tout à coup comme un charme, je jette un œil au menu de la cantine. Spaghettis, mousse au chocolat. Parfait, les diététiciens de la mairie ont bien bossé.

14h : « Maîtresse, j’ai encore plus mal au ventre que ce matin…
L., retourne aux toilettes, essaie de te reposer un peu et si ça va pas mieux dans une heure, j’appelle Maman, ok ?
Oui, d’accord maîtresse, merci maîtresse. »

15h. L. est quand même un peu palot. Et puis il fait vraiment une drôle de tête. Je n’ai pas très envie de ramasser des restes de spaghettis au milieu de la classe. J’appelle sa mère.

16h. La maman de L. arrive, tape à la porte. L. range ses affaires, se lève.

« Bonjour Madame,
– Bonjour. Je crois qu’il a besoin de se reposer.
– Oui, je crois aussi.
– Peut-être qu’il a attrapé une gastro, le virus circule ces temps-ci dans l’école.
– Oh non, je ne pense pas.
– Ah ?
– Oui, je sais parfaitement pourquoi il a mal au ventre.
– ?
– Il a voulu manger une quiche au petit déjeuner, ce matin. Je lui ai dit, pourtant que ça lui ferait mal au ventre, mais il voulait la manger, alors bon.
– Alors bon ».

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