Dans ma REPpublique à moi, comme dans les autres REPpubliques, on va mettre notre petit monde sur pause, quelque temps. On ne joue plus, on ne rit plus. On é-va-lue. Sans fioriture, sans débordement. Scientifique.
Alors comme ça, ils ont remis ça. Alors comme ça, il va falloir y retourner.
Il va falloir leur demander, encore, de rester bien assis, d’écouter, de ne pas demander d’aide et de ne pas copier. Ceux-là à qui on a pourtant longuement expliqué qu’à l’école, on avait aussi le droit de bouger, de se lever, d’aller chercher et même d’imiter, si ça peut nous aider.
Il va falloir leur dire que ce n’est toujours pas grave si ils n’y arrivent pas mais que sur le cahier que j’ai dans les mains, il est écrit qu’ils n’ont que 10 secondes pour répondre à cet exercice-là et que cette fois, il n’est pas du tout question de prendre son temps. Il n’est plus du tout question d’y revenir plus tard, d’aller voir ici ou là s’il n’y a pas quelque chose sur les murs, dans mes cahiers, qui pourrait m’aider. Il n’est pas du tout possible de penser que chacun a le droit d’aller à son rythme. Pas aujourd’hui. On se remettra, peut-être, à se dire tout ça demain, les enfants, d’accord ?
On va leur demander de lire. Pas d’y prendre plaisir, pas de les laisser s’enorgueillir d’avoir lu une phrase entière, une qui a du sens, une qui fait un peu rêver, un peu imaginer. Non, on leur demandera de lire des syllabes, toutes seules, alignées, à l’horizontale et à la verticale. D’y mettre le doigt au-dessous et d’aller vite, très vite, le plus vite possible. Même que la maîtresse elle allumera son chronomètre et qu’au bout d’une minute, quand tu seras en train d’essayer de te souvenir ce qu’un o à coté d’un i ça peut faire comme son, déjà, quand tu te souviendras qu’il y a des affiches collées au-dessus de toi et que peut-être que ça t’aiderait d’y lever les yeux et bah là, en plein milieu, elle te dira stop, enlève ton doigt et retourne t’asseoir. Il paraît que ça ne te fait aucun mal, que ça ne te blesse pas, que ça ne te fait pas perdre une once de cette petite confiance que tu as mis tant de temps à gagner, là, dans cette classe-là.
On te demandera aussi, comme l’autre fois, de trouver à quel endroit exact de cette petite droite peut bien se ranger ce nombre là. Puis celui-là. On ne te demande pas de l’utiliser le nombre, de comprendre à quoi il pourra tant te servir, de le manipuler et de voir tout ce qu’il peut t’apporter. Non, juste de le placer, là, ou peut-être bien là. Un peu plus à droite pour celui dont la vue tremble, un peu plus à gauche pour celui qui à tendance à ne jamais bien viser le milieu.
On accuse peut-être la maîtresse de mauvaise foi. On lui dit qu’elle est naïve. On lui explique que ces exercices-là, ils sont conçus pour décortiquer ce qu’il y a dans ces cerveaux-là. On parle de neurosciences, même de querelles entre chercheurs. On me dit que d’aucuns veulent savoir ce qui s’agite, dedans, quand on lit comme ça et quand on met le nombre-là. Que ça va me servir, que je cernerai mieux « leurs besoins ».
Ce qui s’agite, dans ces corps-là, à ce moment là, je crois que je le sais déjà.
Suffit de regarder leurs yeux, de regarder leurs mains.
Et d’en déduire tout ce dont ils ont justement besoin : qu’on les laisse apprendre.
Doucement, calmement, sans chronomètre ni feuille de soins.
Bonjour Anouk …
Oui, regardons leurs mains, regardons leurs yeux … Comme tu as raison :
» Ce qui s’agite, dans ces corps-là, à ce moment là, je crois que je le sais déjà.
Suffit de regarder leurs yeux, de regarder leurs mains.
Et d’en déduire tout ce dont ils ont justement besoin : qu’on les laisse apprendre.
Doucement, calmement, sans chronomètre ni feuille de soins. »
Et puis, n’oublions pas que pour certain(e)s juste compter jusqu’à 5 est un véritable exploit journalier … oui ,un EXPLOIT …
Qu’en sera-t-il lorsqu’ils/elles seront intégré(e)s dans des classes « ordinaires » ?
http://www.lereveil.info/2015/10/compter-jusqu-a-5.html
@t … alain l.
Il suffit de ne pas les faire passer! refusons de nous soumettre et de soumettre nos élèves à cette aberration! arrêtons de moutonner, d’avoir peur de notre hiérarchie qui nous parle d’école bienveillante à toutes les sauces, alors la bienveillance commencerait (entre autre) par ne plus fermer de classes, limiter les effectifs à 20/ classe, remettre d’aplomb le RASED, et refuser ces évaluations (on pourrait continuer encore looongtemps, mais on va s’en tenir là, déjà, hein…)
j’ai lu votre article sur le Huffington post. je ne suis pas institutrice mais Maman. j’ai du mal à comprendre en quoi une évaluation peut gâcher la soif d’apprentissage de nos enfants car les évaluer c’est bien ce que vous faites toute l’année pour savoir si justement ils apprennent. pourquoi ne pas le présenter comme un jeu au lieu de transmettre à vos élèves ce côté anxiogène du chronomètre. il me semble qu’évaluer ne veut pas dire réussir mais savoir où on en est. je trouve que c’est vous au contraire qui mettez une pression supplémentaire et donner à cette évaluation une dimension qu’elle n’a pas. admettons une bonne fois pour toute que le niveau scolaire de nos élèves baisse dramatiquement et qu’on demande moins de qualitatif qu’avant. je ne jette pas la pierre aux enseignants je constate juste que mes enfants ont aujourd’hui des notes bien supérieures à ce que j’aurais eu à leur âge avec les mêmes réponses. alors aujourd’hui savoir où en sont les apprentissages de nos enfants sans complaisance et sans fioriture ne me semble pas si traumatisant. essayons plutôt d’y voir quelque chose un outil d’apprentissage supplémentaire.
Bonjour, lorsque je parle de chronomètre et de stress imposé, croyez bien qu’il n’est pas de mon fait. Je parle ici des évaluations nationales qui nous sont imposées et pour lesquelles les consignes, temps de passation et chronomètres sont obligatoires, en tous cas inscrites dans le cahier des charges du ministère.
Ces évaluations nous sont imposées. Elles ne prennent pas en compte ce qui a été enseigné dans nos classes et mettent donc les élèves en difficulté et leur donnent comme message qu ils ne savent pas faire… alors que si, ils savent faire ce qu on leur a enseigné. Ces evaluations sont bourrées de piege, pour mettre les enfants dans le doute et l erreur. Elles font du mal! Nous connaissons nos eleves, nous les evaluons quotidiennement en les observant parce que nous sommes des professionnels et que nous savons evaluer nos eleves. Je n ai nul besoin de comparer les résultats de ma classe avec ceux des autres….
Bonsoir
Je suis maman d’un petit loulou de CP, les evaluations de septembre ont fait du mal, pour sa confiance, son envie d’aller à l’école. Etant dans le milieu j’ai eu accès au livret d’évaluations de cette semaine… et là comment dire… comme du dégoût pour cette école de la performance… l’école n’apporte plus cette joie d’apprendre, ce plaisir, elle apprend à aller vite et à être rentable et performant. Mon fils a compris » maman, on va vite à l’école, comme ça on rentrera plus vite à la maison… »
Je viens de le vivre pendant une semaine et je me retrouve tellement dans tes mots. J’ai une classe unique de CP cette année avec de nombreux cas très lourds. Ma pire année en 20 ans de CP et ces 2 semaines (septembre et janvier) ont été très douloureuses pour eux comme pour moi.
J’ai mes propres évaluations et sans chronomètre. Si un élève met 1 minute 37 et pas 1 minute mais qu’il trouve la réponse, où est le problème? Ils sont tous différents. On nous le répète assez de faire de la différenciation.
Je dois me mettre à la phase correction mais je suis écœurée et en plus j’ai appris il y a peu que ma petite école risquait de fermer car bien sûr il faut des gros groupes scolaires, c’est tellement mieux…