Des frites, sauce blanche s’il vous plaît !

Dans ma REPpublique à moi, il y a parfois des retards et souvent des absents. Pas toujours du côté des enfants.

Aujourd’hui, E. a mangé des frites à l’école. Non, pas des frites mal cuites de la cantine. Des frites bien grasses, dans une barquette en plastique, avec un petit pot de mayonnaise et même un pot de sauce blanche. Livrées dans une salle de classe, juste pour lui, depuis le kebab de la rue d’à coté.

Mais il les a mangées tout seul ses frites. Tout seul dans la classe qui touche la salle des maîtres. Tout seul assis sur une petite chaise parce que c’est une classe de CP. Alors que E. il est en CM1. Il est sage E. alors il n’a pas moufté. Nous, on était dans la salle d’à côté, on riait, on discutait, on décompressait. Et lui, il n’a rien dit. Il a mangé ses frites et il a attendu.

E., normalement, il mange à la cantine. Mais voilà, on est en janvier. Et en janvier, la mairie fait le point sur les factures impayées. La liste des « impayés » arrive à l’école. Les parents sont prévenus, mais certains se disent que ca va peut-être passer encore un jour ou deux. C’est passé, toute la semaine dernière, mais plus aujourd’hui. On a ramené E. au portail à 11h45. Le bus qui emmène les enfants à la cantine est parti, sans lui. On a attendu. La maman de E. n’est pas venue. On l’a appelée. Elle n’a pas répondu. On l’a rappelée. Elle n’a toujours pas répondu.

On a regardé la fiche de renseignements. E. n’a pas de papa, enfin, c’est compliqué. En tous cas, son nom et son numéro de téléphone n’apparaissent pas. Pas de mamie, non plus, enfin, c’est compliqué. Un seul numéro donc, sur cette fiche rose. Un numéro qui ne répond pas.

Bien sûr, il y a la loi. La jolie loi qui dit qu’à 11h45, nous ne sommes plus responsables des élèves, qu’on doit les laisser sur le trottoir et aller manger, tranquillement. Il y a la loi et il y a les hommes. Enfin les profs, les directrices du temps périscolaire. Et ces profs-là, cette directrice là, elle n’a pas voulu le laisser sur le trottoir. On s’est dit qu’on allait le ramener chez lui, sonner à la porte, voir si maman était là. Puis on s’est dit que c’était prendre des risques. Alors on l’a mis dans cette salle de classe et on est allés lui chercher des frites, grasses, qu’il a mangées tout seul.

A 17h, elle est venue, souriante. Son téléphone ne fonctionne plus. Une autre facture impayée. Elle ne s’excuse pas, honteuse, peut-être, peut-être pas. Elle promet juste qu’elle sera là demain, à 11h45. E. lui sourit. Il a mangé des frites aujourd’hui.

Anouk F

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