Dans ma REPpublique à moi, on sèche aussi des larmes. Et pas seulement celles des enfants.
Y. est revenu. Avec ses frères. Avec sa mère. Il va bien. Mieux, j’ai l’impression. Il a pris du retard et ça a l’air de l’embêter, un peu. Il est venu me voir, en fin de journée. En fin de journée parce qu’il m’a cherchée du regard, jusque là, comme si il voulait être sûr que c’était bien moi, comme s’il lui fallait un peu de temps pour remettre les choses à leur place, dont la maîtresse, dans cette classe.
« Maman, elle t’a dit, pour mon beau-père ?
– Oui, Y., elle est venue me parler. Je suis au courant. »
La maman de Y. m’attendait devant le portail, à 11h45. Je l’ai fait monter dans une salle, à l’abri des regards. Elle avait déjà les yeux mouillés. Elle m’a demandé l’autorisation d’enlever son voile. Elle a d’abord pleuré, comme ça, sans rien dire. Pourtant, ne rien dire, ça ne lui ressemble pas, à la maman de Y., elle parle souvent, beaucoup, et assez fort. Mais là, elle pleure.
Je la laisse pleurer, la regarde, attend. Et puis je parle. J’explique que j’ai eu peur pour Y., que quand il m’a raconté que « Papa » l’avait frappé, il fallait que je réagisse, et vite. Que je comptais lui en parler, mais qu’elle n’est pas venue au rendez-vous, qu’elle a fui et que je n’ai pas eu le choix. Elle m’écoute, me remercie.
« Il me frappait moi, mais je ne savais pas qu’il frappait les enfants. Pour moi, c’était trop, j’ai préféré partir, les mettre à l’abri, pour qu’il ne me trouve pas. J’ai porté plainte, regardez, je ne mens pas, regardez. »
Elle montre ses papiers, comme si elle devait me prouver quelque chose, à moi. Et puis elle raconte. Un mariage « forcé » à la mosquée, après deux semaines de fréquentation. La clé qu’il fermait et qu’il emportait avec lui quand il partait et qu’elle restait, seule, à la maison. Les coups.
L’histoire qui recommence.
« Le père de mes enfants, il faisait ça, tout le temps. Cinq fois je suis allée accoucher seule, madame, seule, en bus, je vous jure madame. Et quand je rentrais, le bébé sous le bras, il me frappait. »
Alors un jour, elle a fui. Elle a pris ses enfants, elle est montée dans un train et elle est allée le plus loin possible. Et l’histoire a recommencé ici, quelques années plus tard, avec un autre.
« Vous auriez dû nous appeler, nous dire où vous alliez, ce qui se passait.
– Je vais avoir des problèmes madame ? Ils vont prendre mes enfants ?
– Je ne sais pas. Mais il faut répondre aux convocations, il faut dire la vérité.
– Oui, je vais tout dire, je vais montrer mes bleus, je vais protéger mes enfants. Je vais faire annuler le mariage, mais j’ai peur qu’il revienne, j’ai peur madame.»
Elle remet son voile, se rhabille. Je la raccompagne jusqu’au portail. Elle me serre la main, puis m’aggrippe, me serre contre elle, m’embrasse.
« C’est mieux, comme ça non Y. qu’est-ce que tu en penses ?
– Oui.. Il ne reviendra plus, maitresse ?
– Non, il ne reviendra plus, c’est grâce à toi. Tu as bien fait de nous parler, c’était très courageux de ta part. Tu peux être fier de toi. En tous cas, moi je suis fière de toi.»
J’aimerais comme toi croire Anouk que le beau-père de Y ne reviendra pas … Oui, j’aimerais le croire …
@t
alain
Y croire, c’est bien tout ce qu’il nous reste, à la fin, non ?
Oui, c’est primordial de croire en ce que tu fais … et ça transparait dans tes textes …
Pour ma part, j’ai l’habitude d’utiliser cette formule dont je ne connais pas l’auteur(e) :
« Je n’ai d’autre religion que de croire en ce que je fais … et de faire ce que je crois … »
Je sais , ça peut paraitre un peu prétentieux mais j’ai la faiblesse de la croire vraie 😉 …
@t
alain