Dans ma REPpublique à moi, comme dans toutes les autres, on remplit des livrets. On coche des cases et on commente. Quelques lignes, pas plus, pour résumer quelques mois de vie commune. Et si on en écrivait un peu plus ?
« C’est bien, continue comme ça ! »
« Accroche-toi, tu es capable de faire encore mieux, je le sais ! »
« Il va falloir redoubler de travail pour que le CM1 se passe bien… »
Qu’elles sont courtes, qu’elles sont moches, qu’elles sont impersonnelles ces petites formules qu’on essaie, tant bien que mal, de contourner, mais sur lesquelles on retombe, invariablement, chaque fin d’année, quand il s’agit de remplir cette case si courte, si moche et si impersonnelle intitulée « Appréciation de fin d’année ».
Elles nous arrangent bien, aussi, ces formules et j’avoue que certaines d’entre elles m’ont permis d’économiser un peu de temps et d’énergie, ces derniers jours.
Oui mais.
Quand je les écrivais, j’imaginais les yeux de H., en train de les découvrir, elle qui les attendait si impatiemment. Je voyais M. espérer, croire que j’avais, peut-être, mis quelques mots d’encouragement malgré cette année que la déontologie m’empêche d’appeler catastrophique. J’ai entendu Y., aussi, demander à Maman de lui relire, encore, surtout le passage ou il y a écrit « quel progrès ! ».
Et je m’en suis voulue. Je me suis dit que ça ne suffisait pas, que je leur devais plus, bien plus. Que ces quelques mots si formels, si empruntés, si attendus ne pouvaient pas, jamais, résumer et graver dans le marbre dix mois d’échanges, de discussions.
Dix mois de vie commune.
Parce que dix mois, dans la vie d’un enfant de huit ans, ça vaut plus, beaucoup plus que quatre lignes et des formules toutes faites sur une feuille de papier.
Parce qu’en dix mois, il s’est passé bien autre chose que « mobiliser le vocabulaire récemment appris pour le réinvestir dans un texte ». Il y a eu tellement d’autres moments que celui où on a « résolu des problèmes impliquant les quatre opérations ».
Alors je me suis dit que j’allais leur écrire.
Longuement.
Sans formule.
Je ne pense pas qu’ils me liront, puisque je leur écrirai ici.
Mais ça sera dit.
Les grandes vacances approchent, on va se quitter, eux et moi.
S’oublier, peut-être, un peu.
Se retrouver, différents.
Alors je leur écrirai, un à un, ici, pour me souvenir, pour mesurer ce petit bout de chemin qu’on a fait ensemble.
J’écrirai sans doute à L. qu’il m’a échappé, que je n’ai pas réussi à l’attraper et qu’il m’en veut sûrement, que je le sais et que je le comprends..
J’écrirai ensuite à F. que j’ai adoré la rencontrer, la comprendre, la connaître. Que j’ai aimé la voir apprendre, grandir, comprendre, aider, aimer et s’aimer.
J’écrirai aussi longuement à M., je lui parlerai de nos discussions, pas toujours tendres, pas souvent calmes. Je lui dirai que je lui souhaite le meilleur, qu’un jour, peut-être, il se dira que j’avais raison. Peut-être pas.
Je vais leur écrire quelques mots à tous.
Chacun son tour.
Chaque semaine, si je m’y tiens.
Et vous qui les lirez, peut-être, vous apprendrez à les connaître aussi.
Parce que s’il y a une chose dont je suis sûre, c’est qu’ils méritent, tous, sans exception, que vous les connaissiez, que tout le monde les connaisse.
2 réflexions sur « Écrire tout ce qu’on ne s’est pas dit. »