Dans ma REPpublique, on apprend. On apprend à lire, à écrire, à compter, additionner, soustraire, diviser, conjuguer. Mais on apprend aussi – et surtout – à apprendre.
Je ne sais pas vraiment à quoi je m’attendais.
Sûrement pas, en tous cas, à autant de sincérité.
A si peu de gêne, à autant de vérité.
Je me doutais bien que si A. ne faisait absolument jamais ses devoirs, s’il ne s’entraînait jamais, comme les autres, le soir, à relire les syllabes, les mots et les phrases qu’on avait déchiffrés ensemble pendant la journée, c’était que quelque chose ne tournait pas forcément rond, à la maison.
Je savais que Maman était seule.
Que des petits frères et sœurs, A. en avait quelques uns.
Dont un qui vient tout juste d’arriver.
Je savais que c’était dur, pour elle.
Mais je pensais aussi qu’il s’en fichait un peu, A., de ce que la maîtresse lui demandait.
Je pensais peut-être qu’elle aussi, elle s’en moquait.
Je me trompais.
Je suis donc allée trouver Maman, sur le trottoir, un soir.
Je lui ai demandé pourquoi A. ne faisait pas ses devoirs, pourquoi il ne s’entraînait pas à lire les syllabes, les mots, les phrases.
Maman m’a regardée.
Elle a replacé le bébé qu’elle porte sur son dos.
A demandé à celui qu’elle tient par la main de l’attendre un peu.
A celui qui courait devant, elle a donné son téléphone, pour qu’il cesse de trépigner.
Et A. il a écouté.
Une fois prête, elle m’a dit : « C’est moi, c’est ma faute, à moi ».
Un peu désarmée, c’est mon regard qui l’a interrogée.
Elle m’a dit « Montrez moi, où c’est écrit, ce qu’il faut faire »
J’ai sorti le cahier du cartable de A. et j’ai montré à Maman la liste des mots que A. devait apprendre à écrire, seul, d’ici jeudi.
Elle a regardé avec moi et m’a dit « Vous pouvez me dire ce qu’il y est écrit ? Je ne sais pas lire moi, c’est pour ça, je ne peux pas. »
Elle n’a pas baissé les yeux, elle n’a pas baissé la voix.
Elle ne s’est excusée de rien.
Elle m’a dit ça, c’est tout.
C’était à moi de baisser les yeux.
De baisser la voix.
De m’excuser de tout.
A. m’a observée. Il attendait ma réaction.
J’ai repris le cahier et l’ai donné à A.
« A., tu peux dire à maman ce qui est écrit ici ? Tu sais les lire, toi ces mots, n’est-ce pas ?
– Oui.
– Montre lui, apprends-les à Maman. »
Autour de nous, ça défilait, ça bousculait.
Il faisait nuit.
A. a hésité, puis a pris le cahier et a montré à Maman qu’un o à coté d’un u, ça faisait ou.
« Essaie, Maman, vas-y ».
J’ai attendu un peu et je me suis éclipsée.
Quand A. est revenu à l’école, jeudi, il est venu me trouver.
Le sourire scotché, il a presque hurlé « J’ai fait mes devoirs maîtresse, j’ai fait mes devoirs, mes mots, je les connais.
– C’est bien A. »
Je lui ai demandé pourquoi ça le rendait si heureux.
Il a hésité, a regardé vers le plafond, a souri encore un peu et m’a dit : « Parce qu’on les a fait avec Maman, et qu’on était tous les deux, rien que tous les deux. »
Bonsoir Anouk … avec un A … comme Admirable … Comme Attentionnée … Comme Au grand coeur … comme extrAordinaire… comme
Toujours des chroniques qui prennent les tripes…
Merci
@t… alain
à pleurer.
Merci pour ces belles histoires.
Récit absolument magnifique, bouleversant, et surtout extrêmement motivant pour moi suis actuellement dans l’aventure du concours. L’essentiel est là, savoir pourquoi on fait ce métier merveilleux et indispensable.
Merci