Elle a croisé les bras sur son torse et elle a dit “C’est comme ça, c’est tout”. Z. avait dans les yeux ce mélange de détermination, de défi et de désespoir qui la rend si insaisissable. Elle portait sur son visage les traces du courage qui lui manque parfois, de cette envie qui ne lui fiche jamais la paix mais qui l’empêche, finalement, d’avancer.
J’ai soutenu longuement ses yeux noirs et j’ai vu son maquillage commencer doucement à couler. Elle attendait de moi que je la comprenne, que je la soutienne, que je lui dise “Tu as raison Z., tu iras dans ce lycée-là, tu feras cette filière-là, parce que c’est ce que tu as décidé.” Mais je ne l’ai pas fait.
J’ai croisé les bras à mon tour et j’ai répondu “Si c’est comme ça, moi non plus, je ne bouge pas de là tant que personne ne m’a nommée Présidente de la République”. Ses grands yeux noirs se sont arrondis. Elle a souri d’abord, pensant sans doute que je me raviserai. J’ai persisté. Comme elle, j’ai boudé, exigé, attendu que les autres fassent ce que je leur avais demandé. Je l’ai regardée me dévisager à son tour et comprendre.
Comprendre que tous les chemins n’étaient pas droits, que le sien était particulièrement sinueux. Parce que le bruit des bombes qui ont détruit son pays résonne encore dans sa tête. Parce que ces bagages qu’elle a si vite pliés ne sont peut-être pas encore complètement défaits. Parce que ces lettres dont elle a fait la connaissance il y a seulement deux ans ne sont pas encore tout à fait les siennes. Parce que certains de nos mots lui résistent, certaines de nos phrases la font parfois pleurer tant elles sont difficiles à déchiffrer. Parce que Z. a bientôt 17 ans et qu’elle a le droit de penser que ses espoirs sont désormais à portée de mains.
Parce que pour Z., quitte à parcourir tout ce chemin, il fallait bien que ce soit pour réaliser ses rêves. Ou plutôt ceux que d’autres ont écrits pour elle. Parce qu’elle leur doit bien ça.
Z. ne sera pas médecin, pourtant. Pas tout de suite en tous cas.
Je ne serai pas Présidente, jamais.
Mais je suis heureuse. Elle aussi en a le droit.
Quel texte touchant !
Une posture en écho, un regard qui tient bon ,de l’humour…Il y a là tout ce qu’il faut pour tenir,contenir cette jeune fille.
Et elle en a bien besoin !
Et si dans un autre texte,tu te mettais à sa place à cet instant là…