Tant pis pour eux.

Tu n’iras pas à l’école.
Parce que tu portes peut-être en toi quelque chose qui peut tuer sa grand-mère, sa tante, ou bien son père.
Alors tu resteras là. Et je ne sais pas comment tu apprendras.

Tant pis pour toi.

Elle est prête, l’écran est allumé, c’est l’heure de la dictée, pour ceux qui auront réussi à se connecter. Elle répète, articule, mais le son est mauvais. Elle vérifie ses enveloppes maintenant, les range dans son sac et enfile son manteau. Dans les rues, elle marche, sonne aux portes, dépose ses courriers dans les boites aux lettres et se demande comment ils vont, comment ils seront quand elle les retrouvera. Elle essaie de ne pas s’en faire, mais elle n’y arrive pas.

Tant pis pour elle.

Tu vas aller à l’école, finalement.
Mais tu devras porter ce masque, toute la journée.
Tu ne verras plus ta maîtresse sourire, ni les dents de tes copains tomber.
Tu ne joueras plus aux puzzles, à touche-touche, tu n’en as plus le droit. Ni de la prendre dans tes bras quand dans la cour, elle tombera.

Tant pis pour toi.

Elle est debout devant eux. Mais surtout pas trop près.
Tous ses jeux, elle a rangé.
En écran qui parle, elle s’est transformée.
Le masque la gêne, l’étouffe, mais elle continue.
Elle se retient de le déchirer, de le jeter.
A la place, elle leur répète de bien le monter sur le nez.
Chaque soir, un mal de tête lui serre les cheveux et l’empêche de penser.

Tant pis pour elle.

Tu vas te lever, te brosser les dents, te préparer.
Mais d’abord, tu t’assois là, tu lèves un peu la tête et surtout, évite de bouger, et de crier.
Je sais, c’est la troisième fois cette semaine, mais il faut encore que je t’enfonce cette chose dans le nez.Ça fait mal, c’est pénible mais c’est comme ça.

Tant pis pour toi.

Devant le grand portail, elle leur barre l’entrée.
Sur son petit tableau, elle doit cocher : classe n°2 , jour 2, test ok, tu peux rentrer. Classe n°3, jour 1, test non réalisé., circulez.
Sa gorge qui commence à piquer, une sensation de fébrilité qu’elle ne sait plus nommer.
Ses jambes qui la tiennent, encore, debout, pour eux.
Mais sous son masque, le sourire qu’elle finit par laisser retomber.

Tant pis pour elle.

Tant pis pour eux.
Tant pis pour nous.

16 réflexions sur « Tant pis pour eux. »

  1. Je te trouve ton expression assez « light », mais je l’apprécie toujours autant.
    Qu’est-ce qui se joue derrière le port du masque, la séparation des corps (et des classes), les injonctions de distanciation « sociale », les tests à répétition, etc ?
    Où va l’école ? Où amène-t-« on » les acteurs de l’école ? Jusqu’où irons-nous ? Jusqu’à quand ?
    Il y a, dans ces mesures successives, une habituation à une forme de résignation. Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire, je dis simplement qu’il faut avoir conscience des limites liées aux valeurs que nous pouvons porter, les uns et les autres, face aux injonctions multiples, successives, fluctuantes et parfois inutiles.
    Je ne suis pas complotiste (loin de là), simplement interrogatif.
    Frédéric.

    1. L’élément de langage « complotiste » est devenu un baillon très puissant. Biensûr que tout ceci ne sert à rien ! Aérer les classes ?!!! Porter un masque humide 8 h par jour qui est touché 100 fois et tombé 10 fois ?!! Combien d’enfants symptômatiques ? Presque rien. De Morts ? Aucun sans comorbidités. Si les enfants étaient transmetteurs d’un virus hautement létal, mais tous les enseignants seraient déjà morts !!! Il est temps que toute cette maltraitance à l’école cesse: port du masque, discours anxiogènes et culpabilisants, distanciation, non-brassage, Tests PCR, auto-tests, fermeture de l’école aux parents, abandon des projets, des sorties, des échanges…
      Depuis bientôt deux ans, l’école est devenue un lieu clos, fermé, hyper contraignant, angoissant. STOP. Faire grève pour renforcer encore ces protocoles et les moyens de contrôle du Covid ? C’est une blague…

      1. Bien dit… moi qui croyait que la grève était pour dénoncer tout ça… je suis tombée des nues quand j’ai vu les mots d’ordre 😢 Je pleure pour mes enfants et toute ce début d’enfance volé

      2. Je partage votre avis. Il faut cesser tout cela et en premier lieu auprès des enfants pour qui l’école devient vraiment un lieu pas franchement agréable à cause de toutes ces contraintes imposées alors qu’ils ne risquent rien (ou presque) ….

    2. Expérience de Milgram, tout simplement. Ou le fameux « comment faire cuire des grenouilles vivantes sans qu’elles sautent de la casserole ? Petit à petit. »
      On commence avec des masques inutiles et on se retrouve avec des parents qui trouvent normal de torturer un bebe de 18 mois tous les deux jours…

  2. Tout est dit !
    Cette rentrée a eu un goût de trop plein pour moi. Trop de pression, trop de moments d’innocence sacrifiés pour eux, trop de souffrances et plus assez de résilience.
    Les nerfs ont lâché, le temps de recharger les batteries. À quand des jours meilleurs, des sourires d’enfants, des blagues d’enseignants, de l’humain quoi…

    1. Vous avez bien raison.
      Castex ne se rend pas compte de votre souffrance.
      Pour lui c’est continuer l’école coûte que coûte, mais il y a des limites…

  3. Ne vous résignez pas à cela. Jamais. Rayez les « tant pis pour toi, tant pis pour nous, tant pis pour moi », remplacez-les par « ça ne passera pas », ou « ça se paiera ».
    Résistez à cette folie autant que vous le pouvez. C’est ça, aujourd’hui, votre job. C’est plus que de l’éducation ; c’est de l’humanité.

  4. Professeur(e), maître et maîtresse, .. ce métier que j’ai appris et que je n ai pas fait. 5ans de fac pour faire marche arrière aux portes du concours quand je me suis aperçu de ce qu’était l’école. Pardon, le ministère de l’éducation nationale. Déjà nous n’étions qu’une suite de chiffres pour eux il y a 10ans alors pour vous maintenant… Les images ne manquent pas.
    Mais je vois adresse ma prière pour que l’école reste un lieu où l’on apprend avant tout à s’adapter avec positivisme ! Malgré ses différences et celles des autres. Je dis bien, apprendre à s’adapter, pas à accepter en fermant sa gueule. Apprendre à attendre, a partager, a aider, a sourire même si ce n’ai qu’avec les yeux.
    Bon courage a tous et toutes

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