Dans ma REPpublique à moi, on n’est (ne naît) pas tous égaux devant l’école. Loin de là.
Elle a tenu bon H.. Elle a tenu plus de quatre mois. Quatre mois sans quasiment aucune croix sur le cahier d’appel. Quelques vendredi encore, et puis un jour par-ci, par-là, souvent en début de mois. Souvent après le versement de la CAF.
« C’est maman maîtresse, des fois, elle dit que ce n’est pas la peine que j’aille à l’école, qu’elle a besoin de moi à la maison, qu’elle a besoin de moi pour aller faire les courses. »
Elle est toute douce, H. Elle a une toute petite voix. Elle sourit, mais peu, comme si elle voulait cacher ses dents, pas tout à fait droites. Une fois, dans le bus pour aller à l’escalade, S. m’a énuméré tous les garçons de la classe qui étaient amoureux d’elle. H., elle écoutait, elle souriait. Et toi, H. ? Moi, personne y m’aime, enfin je ne crois pas, en tous cas, personne y me l’a dit.
Au mois de septembre, on a beaucoup discuté, H. et moi. Je lui ai demandé si, elle, elle avait envie de venir à l’école, si elle trouvait ça important. Elle m’a dit oui, en me regardant dans les yeux. Je lui ai dit d’être ferme, de dire à Maman : « si, je veux aller à l’école ». Elle m’a dit, « d’accord », avec beaucoup de volonté dans le regard. Et elle a tenu bon.
Mais H. elle commence à lâcher. Doucement. Elle était là ce matin, pas cet après-midi. Elle était là hier après-midi, pas hier matin. Elle n’était pas là lundi, ni mardi. Elle est revenue jeudi, puis elle est repartie. Les billets d’absence ne sont pas remplis. Maman ne sait pas écrire.
« Toi, tu peux écrire pour elle H. et elle signe ?
– Elle a dit c’est pas la peine Maman. »
H. a envie de faire ses devoirs, vraiment, sincèrement. Mais H. n’y arrive pas. H. a des difficultés, ce si moche petit mot qu’on colle à tous les enfants qui apprennent avec peine. H. n’a pas de facilités en tous cas, ce tout aussi moche petit mot qu’on aime attribuer aux enfants qui apprennent sans peine.
« Il est où ton grand cahier bleu, celui où il y a les listes des mots à apprendre ?
– Je ne sais pas.
– Comment ça, tu ne sais pas ?
– …
– Dis, moi, H. est-ce que tu l’as oublié chez toi ?
– Maman, elle l’a donné à mon petit frère pour qu’il dessine dessus, elle n’avait pas de papier pour lui. »
H. a eu un nouveau cahier bleu. Elle a trouvé un endroit pour le cacher, chez elle. Alors des fois, encore, elle l’oublie. Des fois, aussi, elle va chez son cousin M., il est dans la classe aussi. Il habite en face de chez elle. Mais M., il ne sait jamais vraiment quel est le numéro de la liste qu’il faut apprendre cette semaine. M., il n’a pas vraiment, sincèrement, envie de faire ses devoirs, lui.
Vendredi, quand le reste de la classe est rentré de la cantine, plusieurs élèves m’ont appelée dans le couloir. Maîtresse, Maîtresse, on a vu H., elle était là, dans la rue devant l’école ! Alors j’ai pensé qu’elle allait peut-être arriver. Mais non. Elle sera là lundi. Oui, elle sera là.