Il y a les jours avec, et les autres.

Il y a des jours comme ça, où tout ne va pas pour le mieux, dit la chanson. Je crois que je viens de terminer l’un de ceux-là.

Ils ont tellement pleuré, tellement tous pleuré, qu’à un moment, je me suis tournée vers la porte, persuadée qu’on allait venir me chercher pour m’incarcérer parce que je les martyrisais. Pourtant, quand M. est venu vers moi, tête baissée, et a articulé « Maîtresse, il n’y a plus de stylo rouge dans le bac à stylos », je jure tous les dieux que vous voulez que je n’avais absolument pas l’intention de le gronder. N’empêche qu’à la fin de sa phrase, il avait les yeux inondés et il suffoquait. Je l’ai accompagné, lui en ai trouvé un autre, bien caché, lui ai frotté gentiment le dos pour le rassurer, mais je me suis quand même demandé pourquoi ça le touchait autant, qu’il n’y en ait plus, de stylo rouge.

Le truc c’est qu’à peine un quart d’heure après, c’était au tour de A. de s’effondrer. Je lui avais donné un petit bout de papier que je lui demandais d’aller coller dans son cahier orange. Elle est allée chercher ledit cahier dans son cartable et quand elle l’a ouvert, elle n’a plus réussi à parler. Elle s’est effondrée sur sa chaise, m’a montré les pages et a reniflé. Elle avait dû un peu forcer sur la colle hier, parce que les deux pages en question étaient restées collées, ce qui, je vous l’accorde, peut en soi être déjà dramatique. Sauf que comme j’ai donné un petit coup sec pour les décoller, forcément, ça s’est déchiré et les pleurs de A. ont empiré.

Un peu désarmée, j’ai d’abord pensé à une sorte de virus. Comme la grippe, mais sans la fièvre et au lieu du nez qui coule, ce sont les larmes. Pourquoi pas, après tout. Surtout que ça a commencé super tôt. A 8h56, déjà. B. était devant le tableau. Tout le monde attendait qu’elle complète la date. L. avait écrit « mardi », M. avait ajouté « 5 » et B. était chargée de la suite. Blocage, bug ou endormissement, impossible à dire. Mais quand j’ai tenté un « B. tout va bien ? », elle s’est retournée et a pleuré. J’ai envoyé D. écrire février et j’ai proposé à B. d’aller aux toilettes, peut-être que ça la calmerait.

A 11h10, je me suis dit que j’avais peut-être été contaminée. Parce que quand j’ai demandé pour la 22e fois à H. de me lire le nombre qui était écrit au tableau, celui avec un 3 en premier et un 2 juste à côté, et qu’elle m’a répondu 14 après avoir déjà tenté 8, 21, 7 et 12, j’ai bien senti mes larmes monter. Finalement, c’est H. elle-même qui a pleuré. Pas à cause du nombre qu’elle n’avait pas lu, juste parce que je lui ai confisqué le feutre d’ardoise avec lequel elle s’était mis en tête de peindre ses ongles.

Finalement, même si j’ai réussi à les garder, mes larmes ont bien fini par arriver. Quand j’ai demandé à R. s’il allait mieux, après une semaine d’absence. Il m’a répondu « oui, mais j’étais pas malade ». Alors j’ai voulu savoir ce qui lui était arrivé. J’ai reçu une sorte de « je sais pas trop » en réponse. C’est quand il a tourné la tête que j’ai cru comprendre en espérant très fort me tromper. Les bleus avaient commencé à tourner au jaune, mais ils y étaient.

6 réflexions sur « Il y a les jours avec, et les autres. »

  1. Essaye ça Anouk pour sécher tes larmes …
    C’est en flash mais ça marche encore 😉 …

    Et puis vas-y quand même mollo sur la grosse caisse …

    @t… alain

    ( P.S: Félicitations pour ton bouquin… )

  2. Pas malin, ce post.
    C’est moi qui pleure maintenant.
    Il y a des jours comme ça ….

    Cela ne m’empêchera pas de continuer à vous lire, avec bonheur!

  3. elle a raison Elisabeth, pas malin ce post… je pleure aussi !!
    merci Alain pour la fanfare !
    mais en fait, il faut faire quoi ??? il se passe quoi dans votre classe ????
    courage, ils ont besoin de vous, et vous avez certainement besoin d’eux, et c’est sûr moi j’ai besoin de continuer à vous lire pour cesser de me plaindre…

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