“Maman, l’école, ça sert à quoi ?
– A apprendre, mon fils.
– Mais, tu vois bien, je peux apprendre avec toi.
– Non, tu ne peux pas.
– Si, Maman, je sais maintenant poser des soustractions.
– Oui, mais il y a tellement d’autres choses que je ne peux pas t’apprendre.
– Pourtant, tu es maîtresse toi.
– Oui, mais à l’école, ce n’est pas moi qui apprend des choses aux enfants.
– Ah bon, c’est qui ?
– Ce sont les enfants eux-mêmes.”
Ce sont eux qui t’apprennent à être ce que tu es.
Ce sont eux qui t’apprennent à devenir de ce que tu deviendras.
Ce sont eux qui te donnent envie d’y être et d’y revenir encore.
C’est toi qui les rend heureux, comme eux te rendent joyeux.
C’est toi qui les fait rire, c’est lui qui te fait pleurer, c’est elle qui te fait rougir.
Ce sont eux qui te font vivre, encore plus fort et encore plus vite.
C’est nous tous, ensemble, qui leur permettons de respirer, quand chez eux l’air est vicié.
C’est l’école qui leur donne le droit de parler, quand chez eux on ne sait que leur demander de se taire.
C’est le portail qu’ils passent chaque matin qui ôte de leurs épaules un peu du poids que la vie n’aurait jamais dû y déposer.
Ce sont les murs verts grenouille de ma classe qui affichent sur leurs lèvres ce sourire qu’ils ne s’autorisent plus à montrer.
C’est l’école, pour eux aussi, qui leur permet d’exister.
“Maman, l’école me manque, mes copains aussi.
– Moi aussi, ils me manquent tes copains, tu sais.
– Tu crois que ça leur plaît à eux aussi, l’école à la maison ?”
Je ne sais pas.
Je ne sais pas si la maman de A. réussira à lui expliquer comment poser une soustraction.
Si le papa de Y. aura la patience de lire avec elle les pages du livre que je lui ai conseillé de revoir.
Si la maman de L. saura nourrir l’appétit de sa fille pour les maths.
On n’est pas égaux devant ça. L’école sert aussi à oublier ces différences, à tout gommer d’un coup et à réécrire votre histoire par-dessus. A ce que tu sois assis à côté de A., de Y. ou de L. Et que vous appreniez ensemble. Encore une fois. A ce que A. regarde ta feuille, à ce qu’Y. soit si heureuse que je l’écoute lire, à ce que L. en redemande et en reçoive.
L’école, ça sert à tout ça.
Promis, bientôt, on y retournera.
Toi et moi.
Merci pour ces mots si justes… Très ému par votre texte.
Bonjour.
Je viens de vous entendre sur France Info, et « je fais ma curieuse »…….. J’étais enseignante moi aussi il y a pas mal de temps….
Et la fermeture des écoles m’inquiète énormément ; cela ne va faire qu’accroître les inégalités en effet….. Entre les enfants qui n’ont pas chez eux les équipements nécessaires (pas même un livre….. et ça, nos gouvernants n’en ont pas conscience, c’est clair quand le Président conseille, lors d’une allocution, aux adultes de lire……… oui, bien sûr, pour lui, issu d’un milie aisé, cela va de soi, mais il y a ceux qui n’aiment pas lire, ceux qui n’y songent pas, ceux qui ne peuvent pas par manque de « capacités », ceux qui ne peuvent pas acheter des livres……), les parents qui ne peuvent pas, ceux qui n’ont pas le temps, et plus grave, ceux qui s’en f……t…….
Je suis attristée, inquiète, et je me sens désarmée car l’obligation de confinement ne me permet pas d’aider des enfants qui auraient peut-être besoin de l’être…..
Bon courage à vous.