Je suis venue vous dire

J’aurais pu vous le dire de vive voix, l’autre soir.
J’aurais pu me mettre debout sur une chaise et vous déclamer ces lignes. J’aurais ménagé des silences, je vous aurais regardé un par un dans les yeux et nous nous serions ensuite serrés très forts dans les bras. J’aurais sans doute pleuré, au moins un peu. Ma voix aurait tremblé, forcément beaucoup.
Mais je ne l’ai pas fait.
De la pudeur, sûrement.
De la retenue aussi.
Peut-être l’envie de ne pas y croire totalement, pour l’instant.
J’ai préféré vous écouter me dire au revoir, vous regarder danser sans pudeur ni retenue, parce qu’en fait, entre nous, il n’y a plus rien de tout ça, désormais.

J’ai pourtant des choses à dire à chacun d’entre vous.
Tellement que ça ne rentrerait pas ici, ni dans un livre, même si vous êtes les meilleurs personnages dont on puisse rêver.
Mais je vais commencer par elle, cette école dans laquelle je viens de passer six ans.
Elle a changé en même temps que nous.
Ils lui ont mis des couleurs aux fenêtres quand nous, c’est le cœur des élèves qu’on s’efforçait de colorer. Ils ont agrandi ses étages alors qu’on se battait pour que les enfants rêvent plus haut et plus grand.
Et quand ils ont supprimé les arbres dans les cours, on s’en est accommodé parce qu’on savait qu’on trouverait bien d’autres moyens de les faire respirer.

Mais elle n’est rien sans vous.
Elle n’est rien sans C., qui passe ses cheveux derrière l’oreille avec tant de classe et de coquetterie. Si tu savais C. à quel point le sourire si brillant dont tu ne sais te défaire m’a fait du bien, les jours si nombreux où mes colères m’envahissaient. Si tu savais comme ton bonheur transpire et nous irradie tous.
Elle n’est rien sans O., à qui je n’en veux pas de m’avoir donné des envies d’ailleurs.
Elle n’est rien sans S., qui cache derrière sa pudeur et sa réserve le plus grand cœur qu’il soit donné de croiser un jour. J’ai tellement de chance de m’être trouvée sur ce chemin et d’avoir eu le droit d’y entrer, ne serait-ce qu’un petit peu.
Cette école n’est rien sans notre C. Notre roc, notre pic, que dis-je …. Je vous souhaite à tous de croiser un C. un jour dans votre vie. Merci de m’avoir appris à dompter mes fusées pour qu’elles partent un peu moins vite. Merci de m’avoir appris à arrondir mes angles si pointus.
Cette école n’est rien sans tous les autres, que j’ai moins côtoyés mais que j’ai aimés, chacun à leur manière. Même celles qui pensent que nous n’avons pas accroché, merci de m’avoir, à votre manière, tellement appris sur moi, au quotidien.
Il y en a une qui doit lire ces lignes en pensant que je l’ai oubliée. Je retarde juste le moment où c’est à elle que je dois m’adresser. Sûrement qu’aucun mot ne sera vraiment à la hauteur. Merci L. d’être ce que tu es. Merci d’être entrée dans ma vie et ne t’avises surtout pas d’en ressortir.

J’aurais pu vous dire tout ça, rien qu’à vous.
Mais si je l’écris ici c’est parce que je veux que tout le monde sache qu’il existe des gens comme vous. Que tout le monde mesure cette chance que j’ai eue de croiser votre route et que nous ayons su, sans avoir à nous le dire, de quel côté il fallait aller pour avancer ensemble.

Merci.

4 réflexions sur « Je suis venue vous dire »

  1. Comme toujours, votre récit est tellement bien écrit que votre émotion qui vous étreint nous gagne aussi ! Vous avez eu la chance d’avoir des super collègues, mais comme on récolte ce qu’on sème, il est évident que vous êtes aussi lumineuse et bienveillante qu’elles !
    Merci pour vos partages. Je vous embrasse

  2. A lire ce message, je me prends à espérer… A espérer que cet envoi ne soit pas un au revoir. L’École a besoin de gens comme toi, de gens qui savent écrire leur sensibilité, qui savent mettre des mots sur les moments, qui savent les faire partager.
    J’espère que tu ne quittes pas ce « paquebot » si difficile à faire bouger ;
    J’espère que ce ne sont que deux mois de silence avant de retrouver « le bruit et la fureur » ;
    J’espère que ce C. que tu évoques est vers un départ heureux et apaisé ;
    J’espère que chacun chacune d’entre les « petites têtes » trouvera son L., et saura lui dire qu’il-elle a cette importance qui fait que le passage reste marqué, même sans être visible ;
    J’espère enfin, et c’est l’espoir qui fait vivre, que la « maison-mère » saura évoluer vers plus d’humanité, de proximité, d’écoute, de partages et coopérations.

    A très bientôt j’espère,
    Frédéric.

    1. Bonsoir Frédéric, je ne quitte pas le navire non. Je change d’école, avec un nouveau poste plein de nouveaux défis. Merci pour tes mots.

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