Quand j’ai poussé la porte de cette nouvelle classe dans laquelle je passerai les prochains mois, j’ai passé mon doigt sur les étagères, les murs et les armoires. J’en ai relevé des empreintes, des poussières et des traces du temps qui s’est écoulé. J’ai regardé ces murs que personne n’a pensé à laver, ni même à repeindre. Y ai décelé quelques restes de posters mal décrochés. Admiré cette coupe argentée, vestige d’une victoire passée. Cet aquarium, désormais dévolu au rangement des pots de peinture séchée. Déplacé ce meuble vermoulu, rempli de livres jaunis et écornés. Ouvert un petit tiroir et trouvé un trésor. Un petit bijou sur lequel j’ai imaginé sans peine l’adulte qui était à cette même place quelques années avant moi s’extasier.
Il la sort de son cartable en cuir, sourit. Il ne porte pas de masque alors les enfants voient son visage s’illuminer. Ils attendent, pas forcément sagement. Sans aucun doute excités. Le professeur s’affaire devant eux. Il cherche une rallonge, pour atteindre cette prise murale évidemment mal placée. Approche ensuite le téléviseur qu’il a péniblement déménagé de son salon la veille, un dimanche, sans doute. Les yeux des enfants se mettent à briller. Même les plus dissipés se taisent et quand l’écran se met à leur parler, ils ouvrent grand leurs oreilles et reçoivent en silence le savoir qu’on est venu leur apporter.
Cet enseignant là, c’est moi, c’est vous, c’est eux et tous les autres. Ces enfants-là, ce sont les mêmes que ceux qui s’installeront dans cette classe dans quelques jours, quand j’aurai eu un peu le temps de dépoussiérer.
Les murs n’ont pas bougé. Le Wi-fi a remplacé la VHS et si eux ne verront rien de mon sourire et de mon angoisse quand ils entreront parce que mon masque en tissu les leur cachera, ils s’assiéront aussi plus ou moins sagement pour apprendre, pour savoir et pour que je leur apporte ce pourquoi cette école a été bâtie.
Ils attendront de moi que je leur donne la main, que je leur montre, que je les encourage, les félicite, les écoute, les console aussi parfois. Que je les aide à monter les marches jamais rénovées qui mènent à ma classe d’abord.
Celles qui mènent à grandir ensuite.