Il y a un jour où je m’étais promis de les compter. Les décousus, les murmurés, les collectifs, les spontanés. Je me suis retrouvée forcée d’abandonner.
D’abord parce qu’ils sont nombreux. Pas trop nombreux, ça jamais. Mais fréquents, ça oui. Une feuille photocopiée posée sur la table. Le mot oui donné en réponse à n’importe quelle question et les voilà qui arrivent juste derrière. Un compliment sur le nouveau manteau, le serre-tête licorne, ou les lacets faits tout seul et ils resurgissent comme s’ils attendaient juste là, au bout des lèvres, d’avoir le droit de sortir, quitte à se répéter.
Ensuite parce qu’il y en a qui sont automatiques, qui sortent sans réfléchir, et qui perdent peut-être parfois un peu de leur sens.
Aussi parce que d’autres se font attendre.
Enfin parce que certains sont si sincères qu’ils n’ont pas à être comptés.
Quoi qu’il en soit, ces deux petits mots ont tant d’importance pour moi, tant de résonance dans mon quotidien que je les ai choisis pour donner un titre à un livre, et un nom à un blog.
Ils rythment tant mes journées qu’ils ont le méga-pouvoir de me faire oublier les décibels de la récré, les poux que j’ai vu sauter dans la tête de S. toute la journée, les pleurs de H. quand M. n’a plus voulu jouer avec elle, le cahier de D. sur lequel je désespère de voir des mots écrits à l’horizontale, le poème de J. pour L., qu’elle n’a pas daigné regarder, et qu’il avait pourtant mis tant de temps à recopier et illustrer, le coup de fil de l’éducateur au sujet de papa de S. qui va bientôt être libéré, le dossier de 25 pages que j’ai passé deux mois à rassembler et rédiger, pour essayer d’obtenir une AVS pour D., la maman de I. qui, devant le portail de l’école m’a demandé si j’attendais une fille ou un garçon, en reluquant le gras du bide dont je peine à me débarrasser, la grosse fatigue en rentrant de mes journées.
Ces deux petits mots ont ces pouvoirs-là, oui, et bien d’autres que j’oublie.
Merci, Maîtresse, surtout, dites lui !